ASSOCIATION

Les projets de l’association Wagons Libres s’intéressent à la relation que nous entretenons avec notre présent et à la soif de « réel » ou de « vérité » qui nous semble caractériser notre époque. Tous les projets de l’association sont animés par cette urgence : historiciser notre présent, pour ne pas le livrer tout entier à ce mensonge dangereux qui voudrait qu’une connaissance juste, totale et définitive du « réel » soit possible. Travailler ce que l’on pourrait appeler « l’ombre » de notre présent : la perspective historique dans laquelle il s’inscrit, les dynamiques géographiques et temporelles qui le traversent. Veiller sur le présent et en documenter les infimes mouvements, sans les arrêter, sans les fixer, sans les représenter. En suivre les traces méandreuses et opaques sans chercher à tout prix à les rendre transparentes.


Les projets de l’association Wagons Libres explorent la zone obscure qui sépare le récit historique et le récit de fiction, chacun borné par une limite qui les met respectivement en échec : celle du récit historique qui, par sa prétention à « la vérité », opère toujours un tri, une reconstitution, un ordre par-dessus les lacunes, les troubles, et celle de la représentation théâtrale qui, par sa prétention à RE-présenter, ne cesse de mettre à mort ce dont elle est sensée rendre compte.


C’est pour nous la force du spectacle vivant que de pouvoir enjamber ces limites. La personne en scène, avec son corps vivant, là, présent, joueur, peut se faire conteur, témoin et passeur, selon le bel éloge que Walter Benjamin fait de cette figure. C’est parce qu’il peut alterner entre une adresse directe au public, sur le mode de la conversation, et une distance, sur le mode de l’incorporation d’un autre, via les artifices du théâtre (costumes, lumières, etc.), que l’expérience dont il témoigne peut-être partager, mutualiser, et non pas imposer, telle une vérité, au spectateur. Le conteur n’est pas Hamlet, il est l’homme qui joue Hamlet et peut témoigner de son expérience. C’est cette possible alternance qui permet de désindividualiser l’enjeu du récit : ce n’est ni l’enjeu de l’acteur, ni l’enjeu du personnage, c’est l’enjeu de tous. C’est ce JEU, qui joue à présenter et non à représenter, qui inclut le spectateur dans une dynamique de penser et de sentir. C’est en se faisant à la fois trace et ressource que la personne en scène embarque le spectateur dans une approche critique et renouvelée de notre présent.